La Cour de cassation est récemment revenue sur des questions relatives aux droits de propriété intellectuelle à l’occasion d’un litige qui concernait des marques enregistrées, nominales et semi-figuratives, comprenant l’expression « France.com » ainsi que le nom de domaine « france.com » (Cass. com., 06/04/2022, n°17-28.119, P).

En l’espèce, l’Etat français s’était opposé à ces deux types de droits.

D’une part, l’Etat français souhaitait voir annuler les marques comprenant l’expression « France.com ». La Cour de cassation a ainsi pu rappeler que :

  • Le titulaire d’une marque peut contester une demande en nullité formée à son encontre en invoquant la forclusion par tolérance s’il démontre l’usage honnête et continu de sa marque depuis plus de 5 ans (ce qui ne peut se déduire de son seul enregistrement) ainsi que la connaissance qu’en avait le titulaire du droit antérieur qui lui est opposé. En l’espèce, la preuve n’était pas apportée que l’Etat français avait eu connaissance de l’usage de ces marques. Si cela n’était pas précisé avant la réforme, depuis l’ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019, il n’est possible d’invoquer la forclusion par tolérance que si le titulaire d’un droit antérieur a toléré l’usage pendant 5 ans, alors qu’il avait connaissance de cet usage (art. L.716-2-8 du Code de la propriété intellectuelle).
  • L’Etat français peut agir en nullité de la marque en justifiant d’un droit antérieur dans la mesure où les marques portent atteinte à son identité, s’il existe un risque de confusion, ce qui était le cas en l’espèce. Avec la nouvelle rédaction des textes issue l’ordonnance n°2019-1169, le nom d’une entité publique constitue un droit antérieur pouvant faire échec au dépôt d’une marque ou justifiant sa nullité s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.

D’autre part, l’Etat français a demandé à se voir transférer le nom de domaine enregistré « France.com ».

  • Il est possible de demander le transfert d’un nom de domaine au profit de l’Etat français qui a vu son identité atteinte ;
  • Le titulaire du nom de domaine contestait le transfert sur le fondement du droit de propriété (protégé par l’article 1 du Protocole n°1 à la Convention Européenne des Droits de l’Homme). La Cour de cassation précise qu’un nom de domaine ne peut être cédé ou faire l’objet d’une protection en droit interne qu’à la condition de ne pas porter atteinte aux droits de tiers. Or, la société titulaire du nom de domaine ne l’exploitait plus et l’avait mis en vente en vantant l’apparente confiance et la crédibilité de cette adresse comme pouvant être attribuée à un service de l’Eta français ou à un tiers autorisé. En outre, le nom de domaine heurtait le droit de l’Etat français sur son nom. Le droit de propriété n’était donc pas atteint en l’espèce.

En conséquence, l’Etat français a pu faire prévaloir ses droits antérieurs sur les titres de propriété intellectuelle.

Conseil : lors de la création de signes distinctifs (marque, dénomination sociale, nom commercial, nom de domaine etc), il faut être vigilent sur l’utilisation de noms d’entités publiques, et plus généralement, de noms faisant l’objet de droits antérieurs.

Maître Jean-Pascal CHAZAL, avocat spécialiste en Droit commercial
et Marine COMTE, élève avocat