Par un arrêt du 5 septembre 2024, publié au bulletin, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation considère que, sauf si la faute de l’employeur est intentionnelle, le tiers étranger à l’entreprise, qui a indemnisé la victime d’un accident du travail pour tout ou partie de son dommage, n’a pas de recours contre l’employeur de celle-ci. En conséquence, toute convention contraire est nulle, l’employeur ne pouvant renoncer à l’immunité dont il bénéficie à ce titre.
En l’espèce, une société avait confié à un prestataire extérieur le gardiennage de ses locaux. Lors de l’exécution de cette prestation, plusieurs salariés du prestataire sont victimes d’un accident du travail causé par les substances toxiques présentes dans les locaux de l’entreprise utilisatrice. Cet accident est pris en charge par la CPAM au titre des risques professionnels mais les salariés obtiennent par ailleurs la condamnation de la société utilisatrice à les indemniser de leur préjudice en sa qualité de gardienne des substances ayant causé l’accident du travail (responsabilité de droit commun du fait des choses dont on a la garde).
Celle-ci a alors introduit un recours aux fins d’obtenir la condamnation de la société employeur à la relever et à la garantir des condamnations mises à sa charge au profit des salariés en invoquant une clause du contrat de prestation de services stipulant que le prestataire est totalement responsable des agissements de son personnel dans le cadre des missions qui lui sont confiées et garantit le client de toute action, notamment de ses propres salariés contre le client, et qu’en l’absence de faute lourde alléguée imputable au client, le prestataire doit sa garantie à ce dernier.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel ayant fait droit à la demande de la société utilisatrice au motif que ladite clause était nulle de plein droit comme contraire aux articles L.451-1 et L.452-5 du Code de la Sécurité sociale, et que, l’employeur n’ayant pas commis de faute intentionnelle, celui-ci ne pouvait voir sa responsabilité engagée par l’entreprise utilisatrice : l’employeur ne peut pas renoncer à l’immunité dont il bénéficie en application de l’article L.451-1 du Code de la Sécurité sociale.
Conseil : les entreprises utilisatrices d’un service exécuté par les salariés d’une entreprise extérieure ont l’obligation de veiller à la santé et à la sécurité des salariés mis à leur disposition. Elles doivent à ce titre se montrer particulièrement soucieuses du respect des obligations de prévention des risques professionnels (inspection commune des lieux, plan de prévention, etc.) et avoir conscience du fait qu’elles ne pourront engager la responsabilité de l’employeur dans l’hypothèse où les salariés intervenant dans leurs locaux seraient victimes d’un accident du travail dont elles seraient civilement responsables, sauf faute intentionnelle de l’employeur.
Sophie WATTEL
Avocat spécialiste en droit du travail