L’opération d’achat de parts sociales (ou actions) avec effet de levier, plus connue sous le nom de « LBO », acronyme de l’expression « Leverage Buy-Out », est souvent utilisée pour le rachat de sociétés.

Cette opération présente l’avantage de déduire les intérêts d’emprunt pour la reprise des parts et améliore la rentabilité des capitaux des investisseurs dans la mesure où c’est une société holding spécialement créée qui va supporter la charge du rachat. A la suite de cette opération, la société cible devra verser des dividendes à la société holding qui en détient le contrôle afin de rembourser la dette d’acquisition.

Toutefois, lorsque la société cible subi des difficultés financières, les dirigeants doivent se résoudre à limiter, voire à décider de ne pas verser de tels dividendes, afin de se prémunir contre une éventuelle qualification de faute de gestion dans l’hypothèse où la société cible venait à être judiciairement liquidée. Tel est l’un des apports de l’arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 9 septembre 2020 (Cass. com., 9 sept. 2020, F-D, n°18-12.444).

Or, lorsqu’une faute de gestion a contribué à une insuffisance d’actif de la société en liquidation judiciaire, le montant de cette insuffisance peut être supporté en totalité ou en partie par le ou les dirigeants de ladite société (article L. 651-2 du Code de commerce).

L’arrêt apporte plusieurs précisions sur la faute de gestion :

  • Le remboursement de la dette d’acquisition consécutive du LBO par le versement de dividendes à la société holding détenant le contrôle de la société cible doit être réalisé au regard de la situation de l’entreprise et de sa trésorerie ;
  • Les fautes de gestion peuvent entrainer l’engagement de la responsabilité des personnes physiques dirigeantes des personnes morales nommées présidentes d’une SAS comme si elles les avaient commises en leur propre nom, sans préjudice de la responsabilité qui pourrait être engagée à l’égard de la personne morale qu’elles dirigent (article 227-7 du Code de commerce) ;
  • La distribution des dividendes a entrainé une insuffisance d’actif dans la mesure où cette faute a privé la société cible de réserves anciennes qui auraient pu être affectées ;
  • L’inertie des dirigeants en cause alors qu’ils avaient connaissance d’un « soutien abusif » par la société cible d’une de ses filiales par des avances en compte courant peut être constitutive d’une faute de gestion ;
  • Le défaut de surveillance, constitutif de faute de gestion, peut être caractérisé par la présentation tardive d’un plan de crise alors que la société cible a subi une diminution immédiate de sa trésorerie à la suite d’une rupture brutale de relations commerciales.

Conseil : il faut rester très vigilant quant à l’opération de LBO qui peut paraitre présenter bien des avantages mais dont les conséquences peuvent se révéler risquées pour les dirigeants à l’origine de l’opération.

Me Emmanuel MAITRE, avocat spécialiste en droit des Sociétés
Me Serge VICENTE, avocat,
Me Simon POLGE, avocat.