La Cour de cassation a récemment eu à se prononcer sur la validité d’une clause statutaire d’une SAS qui stipulait que : « les décisions collectives des associés sont adoptées à la majorité du tiers des droits de vote des associés, présents ou représentés, habilités à prendre part au vote considéré ».

Compte tenu de cette clause, lors d’une assemblée générale extraordinaire, les associés de la SAS concernée avaient décidé à 46% voix pour et 54% voix contre de l’augmentation du capital social par l’émission de nouvelles actions, de supprimer le droit préférentiel de souscription des associés et de réserver l’émission de nouvelles actions à une société déterminée.

La Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, a eu à se prononcer sur la validité de cette délibération, et par incidence sur la validité de la clause statutaire reproduite ci-avant.

La Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article 1844 alinéa 1er du Code civil, tout associé a le droit de participer aux décisions collectives. La violation de cette règle entraine l’annulation des actes et délibérations des organes de la société, et les clauses des statuts qui y sont contraires sont réputées non écrites. En outre, l’article L.227-9 alinéas 1 et 2 du Code de commerce prévoit que les statuts de la SAS déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu’ils prévoient. Notamment, les attributions dévolues aux assemblées générales extraordinaires et ordinaires des SA en matière d’augmentation de capital sont, dans les conditions prévues par les statuts, exercées collectivement par les associés.

Après avoir rappelé ces règles, la Cour de cassation précise qu’une décision collective d’associés ne peut être tenue pour adoptée que si elle rassemble en sa faveur le plus grand nombre de voix. Toute autre règle conduirait à considérer que la collectivité des associés peut adopter, lors d’un même scrutin, deux décisions contraires. Ainsi, la liberté contractuelle qui régit la SAS ne peut s’exercer que dans le respect de cette règle.

La Cour de cassation en déduit que : « la décision collective d’associés d’une société par actions simplifiée, prévue par les statuts ou imposée par la loi, ne peut être valablement adoptée que si elle réunit au moins la majorité des voix exprimées, toute clause contraire étant réputée non écrite » (Cass. ass. plén., 15/11/2024, n°23-16.670, B+R).

Ainsi, la Cour d’appel a violé les règles du Code civil et du Code de commerce susvisées en rejetant la demande d’annulation de la décision litigieuse dans la mesure où elle n’avait pas été adoptée par la majorité des voix exprimées.

L’arrêt rendu par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, qui bénéficie des honneurs de la publication au bulletin, a fait l’objet d’un communiqué de presse. La Cour de cassation y explique que sa décision est justifiée par le fait que seul le scrutin majoritaire est en mesure de traduire concrètement la « dynamique collective voulue par les textes (sic.) ». Admettre une autre solution ferait courir le risque que lors d’un même scrutin : deux décisions contraires soient adoptées ou que la volonté d’une minorité prévale sur la vision que se fait la majorité des associés du devenir de leur société.

Toutefois, il est regrettable que cette décision ne précise pas à quelle majorité les décisions collectives des associés d’une SAS doivent être prises pour qu’elles soient valables. Il conviendra donc d’être vigilants quant aux précisions qui pourraient être apportées sur ce point par les futures décisions de la Cour de cassation.

Emmanuel MAITRE, avocat spécialiste en droit des sociétés
Simon POLGE, avocat en droit des sociétés
Marine COMTE, avocat en droit commercial