Dans un arrêt du 4 novembre 2021 (Cass. Com. 4 nov. 2021, n°19-12.342) publié au Bulletin, la Cour de cassation affirme au visa des articles 1382, devenu 1240, du Code civil (responsabilité extra contractuelle) et 31 du Code de procédure civile (intérêt et qualité à agir en justice) que « la recevabilité de l’action en responsabilité engagée par un associé contre un tiers est subordonnée à l’allégation d’un préjudice personnel et distinct de celui qui pourrait être subi par la société elle-même, c’est-à-dire d’un préjudice qui ne puisse être effacé par la réparation du préjudice social. Le seul fait que cet associé agisse sur le fondement de la responsabilité contractuelle ne suffit pas à établir le caractère personnel du préjudice allégué ».

Il résulte de cette décision que l’associé qui souhaite obtenir la réparation de son préjudice est tenu d’établir un préjudice distinct du préjudice de la société pour que son action soit recevable. L’action en réparation, sera, en effet, irrecevable si le préjudice subi n’est que le corolaire du préjudice subi par la société, ce qui était le cas en l’espèce. En effet, la Cour considère que la mauvaise exécution d’un contrat de mandat, liant la société avec un cocontractant ayant entrainé une diminution de la valeur de la société et par la même une diminution de la valeur des titres appartenant à l’associé constitue un préjudice économique qui est absorbé par le préjudice social et n’est pas distinct, ni personnel à l’associé.

En outre, la Cour de cassation juge que l’indemnisation du préjudice moral, également sollicitée par l’associé, se distingue du préjudice financier et est, quant à lui, réparable.

Cette solution est à la l’image de l’action en responsabilité à l’encontre des dirigeants qui peut être exercée soit par le dirigeant lui-même en sa qualité de représentant de la société (action ut universi), soit par les associés à la condition de démontrer l’existence d’un préjudice personnel distinct de celui de la société (action ut singuli).

Conseil : avant d’engager une action en justice, une attention particulière devra être portée sur l’adéquation de la qualité et de l’intérêt à agir de la personne avec la demande en réparation formulée. En pratique, l’existence d’un préjudice distinct de celui subi par la société et personnel à un associé peut se révéler difficile à établir compte tenu de la frontière parfois ténue entre les deux.

Maître Jean-Pascal CHAZAL
A
vocat spécialiste en droit commercial