Initiée par la loi Macron du 6 août 2015, la réforme de la justice prud’homale vise à améliorer son fonctionnement en la rendant plus rapide, plus sûre et plus prévisible. Le décret d’application a été publié le 25 mai 2016 et fixe notamment les points suivants :

  • La saisine du Conseil des Prud’hommes par une requête motivée

A compter du 1er août 2016, le Conseil de prud’hommes devra être saisi par voie de requête et non plus par simple demande.

La requête doit :

– contenir les mentions prévues à l’article 58 du Code de procédure civile (identité des parties, domicile, nationalité, etc.) ;

– faire un exposé sommaire des motifs par chef de demande ;

– être accompagnée d’un bordereau de pièces et des pièces.

La requête et le bordereau sont établis en autant d’exemplaires qu’il existe de défendeurs, outre l’exemplaire destiné à la juridiction.

Le défendeur devra quant à lui communiquer ses pièces au Conseil de prud’hommes et au demandeur avant l’audience devant le Bureau de Conciliation et d’Orientation (BCO).

  • Les nouvelles modalités de représentation des parties

Devant le Conseil des Prud’hommes, suppression de l’obligation de comparution personnelle

Les parties peuvent toujours se défendre elles-mêmes mais sont désormais dispensées de comparaître personnellement. Elles peuvent être représentées notamment par un avocat et n’ont donc plus l’obligation de justifier leur absence par un motif légitime.

Les parties sont désormais contraintes de comparaître en personne uniquement que lorsque le BCO demande à les entendre dans le cadre de la mise en état du dossier.

Devant la Cour d’appel, représentation obligatoire des parties

A compter du 1er aout 2016, la représentation en appel par un avocat ou un défenseur syndical devient obligatoire en matière prud’homale., En outre, l’appel doit être formé, instruit et jugé suivant les règles de la procédure avec représentation obligatoire ce qui implique notamment le respect de délais stricts : l’appelant dispose d’un délai de 3 mois pour conclure à compter de la déclaration d’appel et l’intimé d’un délai de 2 mois pour conclure à compter de la notification des conclusions de l’appelant.

  • Les nouvelles missions du BCO

Le bureau de conciliation devient le bureau de conciliation et d’orientation et voit son rôle renforcé dans le cadre de la mise en état.

Il doit dorénavant fixer les délais et les conditions de communication des prétentions, moyens et pièces et peut organiser des séances spécialement dédiées à la mise en état ou désigner un ou des conseillers rapporteurs qui ont tous les pouvoirs de la mise en état.

Le non-respect du calendrier fixé par le BCO sera sanctionné par la radiation ou le renvoi à la première date utile du bureau de jugement.

Le  BCO peut également entendre les parties en personne, les inviter à fournir les explications nécessaires à la solution du litige, les mettre en demeure de produire dans un délai qu’il détermine tous documents ou justifications propres à éclairer le Conseil de prud’hommes

En l’absence d’une des parties, sans motif légitime, le BCO peut juger l’affaire en l’état des pièces contradictoirement communiquées par l’autre partie.

Lorsque le demandeur ne comparaît pas, le BCO peut aussi renvoyer l’affaire à une audience ultérieure du bureau de jugement ou déclarer la requête caduque si le défendeur ne sollicite pas un jugement sur le fond.

Lorsque le défendeur ne comparaît pas sans avoir justifié en temps utile d’un motif légitime, il doit juger l’affaire en l’état des pièces et moyens contradictoirement communiqués par le demandeur. Il ne peut renvoyer l’affaire à une audience ultérieure du bureau du jugement, en formation restreinte, que pour s’assurer de la communication des pièces et moyens du défendeur (exemples : demandes différentes de la saisine, absence de preuve d’envoi des pièces, etc.).

En cas d’échec de la conciliation, le BCO dispose désormais d’une mission d’orientation afin de diriger plus rapidement les affaires vers la formation de jugement adéquate (cf. infra).

  • Les différentes formations de jugement du Conseil des Prud’hommes

Il existe à présent trois formations de jugement :

– la formation normale est composée de deux conseillers employeurs et de deux conseillers salariés.

– la formation restreinte est composée d’un seul conseiller employeur et d’un seul conseiller salarié. Elle doit dans un délai de 3 mois.

– la formation de départage composée du bureau de jugement en formation normale présidé par un juge départiteur qui est un magistrat professionnel.

  • Procédure spécifique aux litiges relatifs aux licenciements économiques

A compter du 1er aout 2016, dans les 8 jours suivant la réception de la convocation devant le BCO, l’employeur devra communiquer non seulement au greffe mais aussi au salarié, tous les éléments qu’il est tenu de fournir aux représentants du personnel.

Jusqu’à présent, le salarié était contraint de se rendre au greffe pour en prendre connaissance. L’employeur doit désormais lui envoyer.

  • L’audience de jugement

Sont écartés des débats les prétentions, Les moyens et pièces communiqués sans motif légitime après la date fixée pour les échanges et dont la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense.

Lorsque le défendeur ne comparaît pas le jour de l’audience du bureau de jugement, il est statué sur le fond. Toutefois, si le défendeur a justifié en temps utile d’un motif légitime, il est avisé par tous moyens de la prochaine audience du bureau de jugement.

Dans le cas où, sans motif légitime, le demandeur ne comparaît pas devant le bureau de jugement, e défendeur peut requérir un jugement sur le fond qui sera contradictoire, sauf la faculté du juge de renvoyer l’affaire à une audience ultérieure.

Le juge peut aussi, même d’office, déclarer la citation caduque. La déclaration de caducité peut être rapportée si le demandeur fait connaître au greffe dans un délai de quinze jours le motif légitime qu’il n’aurait pas été en mesure d’invoquer en temps utile. Dans ce cas, le demandeur est avisé par tous moyens de la date d’audience devant le bureau de jugement, à laquelle le défendeur est convoqué par lettre recommandée avec demande d’accusé de réception.

  • La suppression du principe d’unicité de l’instance

Ce principe imposait de présenter toutes les demandes relatives au même contrat de travail dans le cadre d’une seule instance. Désormais, les parties pourront ouvrir une nouvelle instance pour des demandes relatives à un contrat de travail même s’il est établi que le fondement était connu au cours de l’instance prud’homale précédente.

Parallèlement, la possibilité de présenter des demandes nouvelles à tout moment de l’instance prud’homale, y compris en appel, disparaît.

  • Exception à l’oralité lorsque les deux parties sont assistées par un avocat

Devant le Conseil de prud’hommes, la procédure reste, par principe, orale. Cependant, à compter du 1er août 2016, lorsque toutes les parties formulent leurs prétentions par écrit et sont assistées ou représentées par un avocat, elles sont tenues, dans leurs conclusions, de formuler expressément les prétentions ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées. Les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif. Le bureau de jugement ou la formation de référé ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et il n’est statué que sur les dernières conclusions communiquées.

  • Favoriser les modes alternatifs de conflits

Cette réforme s’inscrit dans un objectif de désengorgement des Conseil de prud’hommes. Ainsi, à tout moment, le BCO ou le bureau de jugement peut enjoindre aux parties de recourir à un conciliateur ou médiateur. Ils peuvent également, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner un médiateur chargé de trouver une issue au litige.

Maître Sophie WATTEL et Anna Jacquet