Dans un arrêt du 5 septembre 2017, la grande chambre de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), formation la plus solennelle de cette juridiction, encadre la possibilité pour l’employeur de surveiller et, le cas échéant, de sanctionner, l’usage personnel par un salarié de sa messagerie professionnelle. En effet, la CEDH rappelle que le respect de la vie privée et de la confidentialité des communications continue à s’imposer au sein de l’entreprise quand bien même l’employeur a fixé, dans le règlement intérieur, des restrictions à l’usage personnel les outils professionnels.

La CEDH énumère différents critères devant être pris en compte par les juridictions nationales pour apprécier si une mesure de surveillance est justifiée et proportionnée au but poursuivi. S’agissant de la surveillance de l’usage personnel de la messagerie professionnelle, la CEDH considère notamment que :

– le salarié doit avoir été préalablement informé de la possibilité pour l’employeur de surveiller ces communications. Cette information doit porter tant sur la nature que sur l’étendue de cette surveillance et, en toute hypothèse, être préalable à la mise en place de l’activité de surveillance.

Il convient de rappeler qu’en droit français, l’obligation d’information préalable à la collecte d’informations personnelles concernant un salarié est déjà imposée par l’article L .1222-4 du Code du travail.

– la surveillance doit être limitée quant à son étendue et au degré d’intrusion dans la vie privée du salarié. La CEDH invite à opérer une distinction entre la surveillance des flux de communication et celle, plus intrusive de leur contenu. Il convient notamment de distinguer selon que toutes les communications ou seulement une partie d’entre elles sont surveillées ou encore si la surveillance a été limitée dans le temps ou quant aux personnes concernées.

Il existe déjà en droit français une distinction concernant la nature des communications puisque l’employeur peut seulement accéder aux messages non identifiés comme étant personnels (Cass. soc. 15 décembre 2010 n° 08-42486). Les messages identifiés par le salarié comme étant personnels ne peuvent être consultés par l’employeur qu’en la présence de celui-ci ou, à défaut, après autorisation de tribunal de mandater un huissier de justice aux fins d’accéder à ce contenu (Cass. soc. 10 juin 2008, n° 06 – 19 229).

– l’employeur doit avancer des motifs légitimes pour justifier la surveillance des communications et notamment l’accès à leur contenu ;

– les modalités de surveillance doivent être strictement nécessaires à l’objectif poursuivi ce qui impose de rechercher la possibilité de mettre en place un système de surveillance moins intrusif que l’accès direct au contenu des communications du salarié.

Conseil : la surveillance de l’utilisation personnelle de la messagerie professionnelle par les salariés peut-être une question stratégique dans certaines entreprises ou pour certains postes de travail. Il convient cependant de se montrer prudent et de vérifier :

– que la procédure d’information préalable des salariés a été respectée ce dont il convient de se préconstituer la preuve ;

– que la nature et l’étendue de la surveillance mise en place est justifiée et proportionnée au but poursuivi. En toute hypothèse, il convient toujours de privilégier une surveillance des flux de communication plutôt que du contenu de celle-ci, sauf justification particulière.

 Sophie WATTEL et Zaïra APACHEVA