Dans un arrêt du 07 février 2024, publié au Bulletin, la Chambre sociale de la Cour de cassation considère que le dépassement ponctuel de la durée légale hebdomadaire de travail (35 heures), dès lors qu’il n’est pas démontré que la durée légale de travail sur la période de référence a été atteinte ou dépassée (1607 heures pour une année civile), n’entraine pas la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein (Cass. Soc., 07/02/2024, n° 22-17696).
Cette décision est la première rendue par la Cour de cassation sur cette question depuis la réforme de 2008 ayant modifié les dispositions du Code du travail relatives à la durée du travail.
Sur la base des règles antérieures à l’entrée en vigueur de la loi du 20 août 2008, la Cour de cassation avait considéré que, dans le cadre d’un accord de modulation, le fait de porter la durée du travail à hauteur de la durée légale de 35 heures hebdomadaires devait entrainer la requalification en contrat de travail à temps plein (Cass. Soc., 23/01/2019, n° 17-19393).
Par ailleurs et de manière constante, il convient de rappeler qu’entraine la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, l’atteinte de la durée légale de 35 heures hebdomadaires du fait de l’accomplissement d’heures complémentaires, du fait de la formalisation d’un avenant au contrat de travail, ou encore du fait de la formalisation d’un avenant de complément d’heures en application de l’article L.3123-25 du Code du travail.
On pouvait penser qu’en application de l’article L.3123-9 du Code du travail disposant que les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail – lequel est d’ordre public -, l’atteinte de la durée de 35 heures dans le cadre d’un accord d’aménagement du temps de travail sur l’année en application des nouvelles dispositions issues de la loi de 2008, devait, de la même manière et conformément à la jurisprudence de 2019, emporter requalification en contrat de travail à temps plein.
Tel n’est pas la position de la Cour de cassation.
Dans cet arrêt du 07 février 2024, la Haute juridiction considère que l’interdiction d’atteindre la durée légale de travail doit s’apprécier en fonction de la durée légale de travail correspondant à la période de référence, soit en l’espèce une durée annuelle de travail fixée par l’accord à 1600 heures. Le fait que, pendant la période de référence, le salarié ait pu certaines semaines travailler 35 heures par semaine, n’entraine pas la requalification de son contrat de travail en contrat de travail à temps complet dès lors que la durée de travail du salarié sur l’année reste inférieure à 1600 heures.
Il convient toutefois de noter que la Cour de cassation prend le soin, dans son arrêt, de relever que « le dépassement horaire hebdomadaire relevé par la salariée était ponctuel ». On peut donc s’interroger sur le fait de savoir si un dépassement régulier ou fréquent serait de nature à remettre en cause la position de la Cour de cassation et à justifier la requalification en temps plein.
Au regard de cette interrogation et compte tenu du caractère très récent de cette décision, il convient d’inviter les employeurs à rester prudents en considérant notamment que seul un dépassement ponctuel permet à ce jour d’éviter une requalification en contrat de travail à temps plein.
Me Sophie WATTEL
Avocat spécialiste en droit du travail