La loi du 19 juillet 2019 a apporté des précisions sur l’exercice du droit de vote des associés détenant des titres sociaux ayant fait l’objet d’un démembrement de propriété (nue-propriété/usufruit). Dans une position adoptée récemment, l’ANSA (Association Nationale des Sociétés par Actions) a commenté une partie du nouveau dispositif pour les sociétés anonymes.

La loi MOHAMED SOILIHI du 19 juillet 2019 a introduit une modification de l’article 1844 du code civil relatif aux droits des usufruitiers et nus propriétaires. Elle énonce qu’usufruitiers et nus propriétaires ont le droit de « participer » aux décisions collectives. Sauf que la notion de participation n’est pas définie. Il semble raisonnable d’en déduire que chacun a le droit d’être convoqué aux réunions des associés lorsque les décisions sont prises à l’occasion d’assemblées générales, quid en cas de décision adoptée sous une autre forme ? Mais rien n’est certain, rappelons que la Cour de cassation (3ème Chambre civile, arrêt du 15/09/2016) avait considéré qu’en l’absence de droit de vote il n’existait pas de droit à participer aux assemblées).

En matière de droit de vote, l’article 1844 alinéa 3 précise que « Le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices, où il est réservé à l’usufruitier. Toutefois, pour les autres décisions, le nu-propriétaire et l’usufruitier peuvent convenir que le droit de vote sera exercé par l’usufruitier. »

Cet alinéa soulève plusieurs interrogations, en particulier celle qui nous intéresse ici, qui consiste à se demander s’il est applicable à toutes les formes de sociétés ?

L’Association Nationale des Sociétés par Actions a donc pris position sur cette question, et considère que la faculté d’aménagement conventionnel (c’est-à-dire par un contrat extérieur au statuts) entre usufruitier et nu propriétaire ne s’applique pas aux sociétés anonymes (ni aux sociétés en commandite par actions, par envoi de l’article L 226-1 du code de commerce), car il existe une règle particulière de répartition des droits de vote dans cette société. (L’article L-225-110 du code de commerce qui prévoit que le droit de vote appartient à l’usufruitier dans les assemblées générales ordinaires, et au nu propriétaire dans les assemblées générales extraordinaires). L’article L 225-110 du code de commerce, alinéa 4 prévoit que les statuts peuvent déroger à cette règle, l’ANSA considérant donc que seuls les statuts peuvent le prévoir pour les Société Anonyme, toujours et uniquement pour les décisions autres que celles concernant l’affectation des bénéfices.

L’article L 225-110 du code de commerce n’étant pas applicable aux sociétés par actions simplifiées, la faculté d’aménagement conventionnel du droit de vote leur serait applicable.

Conseil :  dès lors que les titres d’une société font l’objet d’un démembrement de propriété, il convient donc de redoubler de vigilance quant à la nécessité de convoquer aux réunions d’assemblées tant les usufruitiers que les nu propriétaires, quelle que soit la répartition du droit de vote, et de veiller au respect de la répartition des droits de vote entre eux. Une attention particulière sera prêtée aux conséquences d’un éventuel aménagement conventionnel de la répartition du droit de vote, notamment en matière d’opposabilité de ses conséquences aux tiers en général, et à l’administration fiscale en particulier, notamment dans les sociétés dans lesquelles le bénéfice exonératoire du pacte « DUTREIL » en matière de droits de donation/succession impose que le droit de vote de l’usufruitier soit limité à la seule décision d’affectation des bénéfices.

Me Emmanuel MAITRE, avocat spécialiste en droit des Sociétés
Me Serge VICENTE, avocat,
Me Simon POLGE, avocat.