Au cours des dernières années, un mouvement jurisprudentiel favorable aux dirigeants de société s’est développé. Ainsi, la Cour de cassation refuse qu’un dirigeant soit condamné pour faute de gestion lorsque la décision ou l’absence de décision qui lui était reprochée ne relevait pas de sa compétence mais de celle de l’assemblée générale des associés ou actionnaires.

Par exemple, l’insuffisance des apports consentis à une société lors de sa constitution est imputable aux associés de celle-ci et ne peut donc être retenu comme faute de gestion à l’encontre du dirigeant (Com. 10 mars 2015). De même on ne pouvait reprocher au dirigeant d’une société dont les capitaux propres étaient devenus inférieurs à la moitié du capital social, le refus de recapitalisation décidé par les actionnaires (Com. 13 octobre 2015).

Toutefois, il ne faudrait pas croire trop facilement que le dirigeant est systématiquement exonéré de toute responsabilité dans l’hypothèse où les pouvoirs de décision ne lui appartiennent pas. C’est ce que rappelle l’arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 16 juillet 2016. En l’espèce, le dirigeant d’une société en difficultés financières avait omis de solliciter des actionnaires une augmentation de capital susceptible de renflouer la trésorerie. Il a été condamné à combler l’insuffisance d’actif constatée dans la liquidation judiciaire de la société à hauteur d’1 million d’euros. Certes, la décision d’augmenter le capital ressortit à la compétence de l’assemblée des actionnaires, mais en ne convoquant pas celle-ci avec cet ordre du jour,  le dirigeant a été négligent.

Conseil pratique : lorsqu’une société connait des difficultés économiques ou financières, le dirigeant ne doit pas demeurer inactif. Non seulement, il doit mettre en œuvre toutes les mesures qui entrent dans ses pouvoirs (restructuration, réduction des charges, etc.), mais il doit également penser à solliciter officiellement des actionnaires, en convoquant une assemblée générale, les décisions qui lui semblent s’imposer pour assurer le redressement de l’entreprise. Libre alors aux actionnaires de refuser d’adopter les mesures proposées (par exemple une recapitalisation) : dans ce cas, l’entreprise ne sera pas sauvée, mais la responsabilité du dirigeant sera évitée.

Jean-Pascal CHAZAL et Sophie WATTEL